BOUSSOLE, s. f. (R. lat. bussula). Sorte de cadran au centre duquel est fixée une aiguille aimantée qui tourne librement sur un pivot. || Fig., Guide, conducteur. Soyez ma b. Ce principe doit vous servir de b. || T. Astr. Voy. CONSTELLATION.

Enc. — Lorsqu'on place une aiguille aimantée, munie d'une chape, sur un pivot vertical, on s'aperçoit qu'elle prend dans l'espace une direction déterminée et constante. L'une de ses extrémités regarde sensiblement le pôle nord, tandis que l'autre est tournée vers le pôle sud. Le plan vertical qui passe par l'axe de l'aiguille se nomme le Méridien magnétique. Le méridien magnétique et le méridien astronomique ne coïncident pas : la différence des deux méridiens, ou l'angle qu'ils forment entre eux, a reçu le nom de Déclinaison.— Si l'on prend une aiguille aimantée susceptible de se mouvoir, autour d'un pivot, dans le plan vertical du méridien magnétique, on nomme Inclinaison l'angle que fait l'aiguille avec la verticale. — De là deux sortes de Boussoles : Boussoles de déclinaison et Boussoles d'inclinaison; mais communément on distingue les Boussoles d'après l'usage auquel elles sont destinées.

I. Boussoles de déclinaison. — La B. de déclinaison proprement dite (Fig. 1) se compose essentiellement d'une boîte AA en cuivre rouge, dont le fond est muni d'un limbe gradué C, et au centre de laquelle est suspendue une aiguille aimantée qui a la forme d'un losange allongé et dont l'une des moitiés, celle qui regarde le nord, est colorée en bleu, tandis que l'autre, qui est blanche, indique le sud.

D'après la connaissance que nous avons du phénomène de l'inclinaison, il est évident qu'une aiguille parfaitement symétrique, qui reposerait sur un point par son centre de figure, ne se tiendrait pas horizontale, mais qu'elle s'abaisserait d'une certaine quantité. Si donc on veut avoir une aiguille qui reste horizontale, on est obligé de l'équilibrer, c.-à-d. d'enlever un peu de matière du côté où s'effectue l'abaissement. — L'aiguille étant équilibrée, on adapte à sa partie centrale une chape d'agate, travaillée avec un soin tout particulier, et qui repose sur une pointe verticale d'acier. Un petit levier, auquel est adapté un anneau, soulève la chape, de manière à modérer l'amplitude des oscillations ou à soulager le pivot pendant que l'appareil n'est pas en expérience. Ce mouvement peut s'opérer de l'extérieur au moyen d'un bouton qui communique avec le levier. L'aiguille porte une chape sur ses deux faces, afin qu'elle puisse aisément se retourner et s'appliquer sur son pivot par la face opposée, dans le but d'éliminer les erreurs qui pourraient résulter de la distribution dissymétrique du magnétisme à l'intérieur de l'aiguille. En effet, l'axe de figure de l'aiguille et son axe magnétique sont deux lignes différentes qui, dans la plupart des cas, font entre elles un angle sensible. Lors donc qu'on se contente d'une seule observation, on a nécessairement une erreur qui dépend de la position relative de ces deux axes ; mais si l'on retourne l'aiguille, cette erreur, qui avait lieu dans un certain sens, ayant lieu maintenant dans le sens opposé, la moyenne des deux observations fournit un résultat exact : c'est en cela que consiste la Méthode du retournement. Dans la Fig. 1 , on aperçoit l'aiguille munie de sa chape et accompagnée de son levier. Le limbe horizontal gradué, au-dessus duquel elle se meut, fait corps avec une lunette L, qui lui est reliée au moyen de deux montants verticaux. La lunette porte en appendice une pièce munie d'un niveau N, dans le but de constater son horizontalité. Quant aux mouvements de la lunette, dans le plan vertical de son axe optique, ils sont accusés sur un limbe latéral B par une aiguille i. L'ensemble formé par la boîte AA, le limbe horizontal, la lunette et les différentes pièces qui lui sont solidaires, se meut autour d'un pivot central, de manière que les excursions de cet appareil tournant sont accusées sur le cercle gradué, fixe et horizontal Z, appelé Cercle azimutal, par le voyant n, lequel est muni de vis d'arrêt. Enfin, le dernier cercle est supporté par un pied pourvu de vis calantes V.

Quand on veut faire une observation à l'aide de cet appareil, on commence par disposer le cercle azimutal Z bien horizontalement, à l'aide du niveau N et des vis calantes. Ensuite, on fait mouvoir la boîte tournante jusqu'à ce que le champ de la lunette soit amené sur un astre connu, sur Aldébaran, par ex. On note le moment précis de l'observation, la hauteur de l'astre lue avec l'aiguille i, la division correspondante aux extrémités de l'aiguille aimantée, et l'excursion de la boîte tournante sur le cercle extérieur. On conclut de là l'angle du plan vertical de l'astre avec le plan du méridien magnétique; et, puisqu'on connaît l'instant précis de l'observation, ainsi que la hauteur de l'astre à cet instant, on peut en conclure, par des formules astronomiques, l'angle du plan vertical considéré avec le méridien du lieu. Le calcul donne donc, d'une manière fort simple, l'angle de déclinaison. Il est bien entendu que, pour faire exactement cette observation, il est nécessaire de retourner l'aiguille et de lire, après chaque retournement, ses deux extrémités. On prend la moyenne des lectures de chaque bout de l'aiguille, et la moyenne des deux retournements. — La B. de déclinaison que nous venons de décrire a surtout un intérêt scientifique. On s'en sert principalement pour déterminer les variations que subit l'angle de déclinaison, suivant les lieux et les temps. Nous allons parler maintenant des boussoles de déclinaison qui servent à l'orientation sur mer et sur terre.

B. marine, Compas de route ou Compas de variation. — Cette B. (Fig. 2) est fondée sur les mêmes principes que la précédente. Seulement elle est portée par un mode de suspension spécial, qui est appelé Suspension à la Cardan et qui a pour but de maintenir la verticalité de l'appareil malgré les agitations de la mer. La boite cylindrique qui renferme la B. est entourée par deux anneaux concentriques mobiles. La B. repose directement sur l'anneau le plus intérieur par l'intermédiaire de deux petits pivots , et cet anneau repose à son tour sur 1 anneau extérieur par l'intermédiaire de deux autres petits pivots perpendiculaires aux premiers, ainsi que le montre la figure. C'est l'anneau extérieur qui est attaché au navire et qui participe aux mouvements plus ou moins irréguliers auxquels il est soumis ; mais ces mouvements ne peuvent se communiquer à la B. que par l'intermédiaire des deux systèmes de pivots. Or, comme ceux-ci sont à angles droits, il en résulte que la B., ne pouvant se mouvoir que dans deux plans verticaux rectangulaires, reste à l'intersection de ces deux plans, qui est une ligne verticale.

Par conséquent, le limbe sur lequel court l'aiguille aimantée, demeure toujours horizontal quel que soit le mouvement du navire. A la face supérieure de l'aiguille, qui doit être très mobile sur son pivot, est fixée une feuille mince de talc, sur laquelle est tracée une étoile à rayons multiples pour indiquer la direction du vent.

Cette étoile qu'entoure une circonférence divisée en degrés, est appelée par les marins Rose des vents. Les deux rayons principaux de l'étoile, perpendiculaires entre eux, portent à leurs extrémités les mots Nord, Sud, Est, Ouest, ou simplement leurs initiales. Les lignes inclinées à 45° sur les précédentes, indiquent les vents de Nord-Est, Sud-Est, Sud-Ouest, Nord-Ouest qu'on représente encore par leurs initiales. Lorsque le vent occupe une position intermédiaire à celles que nous venons d'indiquer, et lorsqu'on ne veut pas préciser sa direction d'une manière tout à fait rigoureuse, on redouble le mot qui exprime la direction la plus voisine de celle du vent que l'on considère Ainsi, par ex., si la direction du vent tombe entre la ligne N et NE, plus près du N que du NE, on dira que le vent est Nord-Nord-Est ou N-N-E. Mais, poussé plus avant, ce langage deviendrait trop compliqué et aurait le désavantage de ne donner qu'une idée approximative de la direction du vent.

Aussi, lorsqu'on veut fournir cotte direction d'une manière rigoureuse, on joint alors un complément numérique qui indique l'écartement précis de la nouvelle direction avec la ligne Nord-Sud. Ainsi, un vent de Nord-Est qui est écarté de 25°, par ex., de la ligne Nord, s'indique N 25° E. Chaque arc de 11° 15' de la circonférence de la Rose des vents porte le nom de Rumb de vent, et l'on appelle Air ou mieux Aire de vent, la direction dans laquelle le vent souffle. La Fig. 3 représente la Rose des vents d'après les divisions consacrées.

Les deux petits rectangles p et p' (Fig. 2) sont des Pinnules, sortes de fenêtres destinées aux visées, et qui sont partagées dans le milieu de leur longueur par un fil délié qui définit le rayon visuel. Près de la pinnule p se trouve un petit miroir incline à 45°, dont la moitié supérieure manque de tain, de sorte qu'elle ne gène nullement la vision. Il en résulte que lorsqu'on dirige l'alidade sur un astre, on voit par réflexion, d'un seul coup d'œil, l'angle que font entre eux le méridien magnétique et le plan vertical qui contient l'astre. Il ne reste plus ensuite qu'à recourir aux méthodes astronomiques pour en conclure immédiatement l'angle du méridien magnétique avec le méridien du lieu où s'est faite l'observation. - Le Compas de mer est extrêmement utile pour la conduite d'un navire dès qu'il a perdu la côte de vue : au mot Navigation, nous verrons quel usage on en fait. - La B. se place dans une espèce d'armoire que l'on nomme Habitacle, et qui est située sur le tillac, à l'arrière du bâtiment, en avant de la roue du gouvernail.

Boussoles d'arpentage. - Appliquée aux opérations topo-graphiques, la B. sert principalement à déterminer les angles dont on a besoin pour reporter sur le papier les canevas géométriques dont on couvre le terrain. On fait surtout usage de l'espèce de B. appelée Déclinatoire (Fig. 4), qui consiste en une petite boîte rectangulaire dont le fond porte une graduation et une Rose des vents au-dessus de laquelle oscille l'aiguille aimantée. Lorsqu'on fait dos levers a la planchette, il importe beaucoup que, pendant qu'on est en station et qu'on rayonne vers les différents points du terrain, la planchette reste toujours dans la même position. On s'en assure à l'aide du Déclinatoire qu'on dispose à l'un des angles du papier, de manière que son aiguille regarde le zéro de la division. On l'entoure de lignes tracées le long des côtés de la boîte même pour indiquer sa place précise. Si, après un certain temps, on craint que quelque faux mouvement ne soit venu déranger la position de la planchette, on place le Déclinatoire entre les lignes qu'on avait tracées précédemment, on examine si l'aiguille regarde encore le zéro, et, dans le cas contraire, on modifie la position de la planchette en la faisant tourner autour de son axe, de manière à rétablir la coïncidence.

B. Éclimètre. - Cet appareil (Fig. 5) est un des instruments les plus ingénieux et les plus commodes pour les levers rapides, car il remplace à la fois le graphomètre, le niveau et quelquefois même la chaîne. Il consiste en un limbe horizontal gradué, sur lequel court une aiguille aimantée, et qui est porté par un pied pourvu de vis calantes. En dehors du cercle se trouve une lunette l munie de réticules, c.-à-d. de deux fils très-fins qui se croisent à l'intérieur au foyer de l'objectif. Cette lunette se meut dans un plan perpendiculaire à celui du limbe de la B., sur un cercle gradué C. La masse P, placée de l'autre côté, est destinée à faire contre-poids à la lunette et à son cercle. Enfin, l'appareil qui est indiqué sur la figure est encore muni de vis qui permettent de lire, sur une zone extérieure graduée, les déplacements du limbe horizontal autour de l'axe.

On sait (voy. Arpentage) que, lorsqu'on veut représenter sur le papier un certain espace de terrain, on commence par établir un polygone, tel que ABCDE (Fig. 6), dont les sommets coïncident avec des points remarquables du pays, tels qu'un arbre de forme un peu exagérée, un buisson, une borne, etc. Le but qu'on se propose d'abord est de reporter sur le papier ce canevas géométrique qui existe sur le sol : on y parvient très-aisément avec la B. eclimètre. On commence par s'établir, avec l'instrument, au point A, on rend le limbe parfaitement horizontal, et l'on vise, avec la lunette, le point B. On lit alors, sur l'instrument même, l'angle BAN que forme la nouvelle direction avec le méridien magnétique. Comme pour voir le point B on a été obligé d'élever ou d'incliner la lunette d'une certaine quantité qui se lit sur le cercle latéral, on en conclut l'angle que fait avec l'horizontale la nouvelle ligne de visée, et par suite la différence de niveau qui existe entre ces deux points, si l'on a fait chaîner la distance qui les sépare. On se transporte ensuite au point B, où l'on opère de la même façon, et, ainsi de suite. L'Éclimètre permet donc de faire marcher de front les opérations de simple lever, ou, comme on dit, de Plani-métrie, avec les opérations de Nivellement. Bien plus, en disposant la lunette d'une manière particulière, et en se servant d'une Stadia (voy. ce mot) pour mire, on n'a pas besoin de chaîne, et l'on détermine en même temps la longueur qui existe entre les deux points considérés.

II. B. d'inclinaison. - La B. d'inclinaison (Fig. 7) est, à proprement parler, une B. verticale. L'aiguille a est munie d'une virole ajustée sur elle à frottement très-serré, et porte un axe en cuivre terminé par deux petits cylindres d'acier qui reposent sur des tourillons formés par des couteaux en agate. Ces couteaux sont eux-mêmes établis sur une pièce rectangulaire qui porte une traverse munie de fourchettes servant à soulager les couteaux lorsque l'appareil n'est pas en expérience. Le limbe vertical, qui a environ 19 cent. de diamètre, repose, à l'aide d'un pied solidement établi, sur la plaque inférieure AB, qui porte un niveau n et qui soutient une cage de verre destinée à préserver l'aiguille des agitations de l'air. Un vernier, qui est pourvu d'une loupe l, et solidaire avec le cercle azimutal Z, indique à chaque moment les angles décrits par ce cercle autour de l'axe vertical de tout le système. L'ensemble des diverses pièces que nous venons de décrire porte sur un pied qui est muni de vis calantes et qui est destiné à assurer, au moyen du niveau, l'horizontalité de l'instrument. Enfin, deux loupes IT reliées au centre du cercle par de petites baguettes métalliques, voyagent sur le pourtour de la circonférence afin de déterminer avec plus d'exactitude la lecture du limbe gradué à chaque extrémité de l'aiguille. L'observation de l'inclinaison, à l'aide de cet appareil, n'offre aucune difficulté quand on a bien compris la définition de l'inclinaison. Il suffit en effet de placer le cercle vertical dans le plan du méridien magnétique, et de lire les divisions que regarde l'aiguille. Ensuite on retourne celle-ci pour l'établir sur une autre face, et on fait les deux lectures qui correspondent à cette nouvelle position. On peut se contenter de prendre une moyenne des deux résultats, mais, si l'on veut avoir une exactitude plus grande, et se mettre presque complètement à l'abri des causes d'erreur qui proviennent de la distribution dissymétrique du magnétisme combinée avec l'action excentrique de la gravité on désaimante l'aiguille pour l'aimanter en sens contraire, et l'on recommence l'opération que nous venons de dire. On a ainsi quatre observations dont on prend la moyenne. - Si l'on ne connaissait pas le plan du méridien magnétique, on arriverait aisément à sa détermination, en cherchant, par le tâtonnement, l'azimut particulier pour lequel l'aiguille se tient dans une position verticale, ce qui indique que l'aiguille est dans un plan perpendiculaire au plan méridien. On pourrait encore observer l'inclinaison dans deux plans rectangulaires, et l'on en déduirait facilement, par une formule connue, la valeur de l'inclinaison dans le plan du méridien.

Corrections. - Nous n'avons pas besoin de dire que, lorsqu'on veut faire des observations aussi précises que possible, il faut avoir soin de soustraire l'aiguille aimantée à l'influence de toute cause perturbatrice, et notamment à celle du fer. Sur mer, il est difficile d'éliminer cette dernière cause d'erreur, en raison de la grande quantité de fer qui entre dans la construction d'un navire, et du grand nombre d'objets en fer qui se trouvent à bord. Cette cause de perturbation est si puissante, que parfois elle influence l'aiguille au point de la dévier de sa véritable position d'un angle de 20°. Une perturbation beaucoup moins considérable suffirait certainement pour jeter le navire en dehors de sa route véritable et pour exposer la vie de l'équipage. Les officiers de la marine anglaise se sont particulièrement occupés de cette question, à laquelle sont attachés les noms de Wales, Flinders et Barlow de Woolwich. Voici comment ce dernier a essayé de résoudre ce problème. On commence par mettre l'habitacle qui contient la B. le plus loin possible de toutes les pièces de fer, pour éliminer les erreurs qui pourraient provenir de l'aimantation provoquée par l'aiguille dans les substances magnétiques. Ensuite, lorsque le navire est arrivé dans une eau calme, un observateur se place en dehors, sur le rivage, avec une B. munie d'une lunette pour déterminer les angles, tandis qu'un autre observateur se tient sur le navire, près de la B. du bâtiment. A un certain signal, les deux observateurs visent l'un sur l'autre, et ils examinent, dans celte position, l'angle que fait l'aiguille de leur B. avec la ligne commune de visée. Il est clair que si les boussoles étaient placées dans des conditions identiques, ces deux angles seraient égaux; mais, en raison de la présence du fer du bâtiment, les deux aiguilles ne seront pas parallèles, et l'on observera entre les angles une certaine différence. On répétera la même observation en faisant tourner le bâtiment d'une valeur correspondante à un rumb de vent, et l'on connaîtra de cette manière la correction qu'on devra faire subir à la lecture de l'aiguille pour avoir une observation plus rapprochée de la vérité.

Une autre méthode consiste à faire usage du Compensateur. On nomme ainsi un appareil (Fig. 8) qui se compose d'un disque de fer traversé par une tige de cuivre et maintenu par un écrou. La tige peut se fixer dans des trous pratiqués sur le pied de l'habitacle, et on place le disque à une distance de l'aiguille telle, que l'effet produit par le condensateur soit égal à celui du navire. Je suppose qu'on lise la B. sans compensateur et qu'on trouve 25° par ex., puis, qu'après avoir placé le compensateur on trouve 28°, on en conclura que l'angle cherché est égal à 25° - 3° = 22°.

III. Variations de la B. - Les angles de déclinaison et d'inclinaison que nous avons définis et que nous avons appris à mesurer sont variables lorsqu'on passe d'un lieu à un autre, et même dans un même lieu, lorsqu'on laisse écouler un certain intervalle de temps. L'étude de ces variations est de la plus haute importance pour les progrès du magnétisme; mais, jusqu'à cette heure, la science a dû se contenter d'observer les faits expérimentalement, car aucune théorie n'est parvenue à en donner une explication suffisante.

Variations de déclinaison. - Jusqu'à la fin du XVe siècle, on a cru que l'aiguille aimantée regardait directement le Nord, et l'on prétend que Christophe Colomb, allant à la découverte de l'Amérique, en 1492, fut très-surpris de voir l'aiguille qui, jusqu'alors avait été considérée comme un guide fidèle, ne pas montrer l'étoile polaire et se dévier à l'Ouest de plus d'un degré. Les équipages furent frappés d'effroi; ils s'imaginèrent que la nature venait de changer sous ces latitudes inconnues, et que leur seul moyen de direction allait les abandonner. - Pour une même année, la valeur de la déclinaison varie suivant les localités. A Paris, elle est actuellement de 20° environ vers l'Ouest, tandis qu'au Groenland l'aiguille est complètement tournée vers l'Ouest. Le capitaine Parry a même trouvé un point à l'ouest du Groenland, où le pôle boréal de l'aiguille était tourné vers le Sud. D'autre part, il existe, à la surface du globe, des points où la déclinaison est complètement nulle, de sorte que le barreau aimanté indique rigoureusement la direction du Nord. En joignant, par un trait continu, les divers points du globe qui correspondent à une même déclinaison, on a ce que l'on nomme les Lignes d'égale déclinaison : ce sont des courbes à double courbure, encore mal déterminées. Dans un même lieu, la déclinaison varie d'une manière très-sensible lorsqu'on embrasse surtout un certain laps do temps. Pour en donner une idée, nous indiquons dans le tableau suivant, les changements que cet angle a éprouvés à Paris, depuis les temps d'observation les plus reculés jusqu'à nos jours.

Années.Déclinaison.Années.Déclinaison.
158011° 30' est.181422° 34' ouest
16188° est.182422° 23' ouest.
1663182922° 12' ouest.
16781° 30' ouest.183522° 4' ouest.
17008° 10' ouest.185125° ouest.
178522° ouest.185410° ouest.

On voit donc qu'à Paris la déclinaison a subi des variations considérables, puisqu'elle était d'abord orientale et qu'elle est devenue occidentale. En 1663, l'aiguille aimantée marquait à Paris, précisément, le pôle Nord. Depuis lors, l'angle a constamment été en augmentant d'une manière irrégulière, et quelquefois avec de légères alternatives, jusqu'en 1814, où il a atteint son maximum. A partir de cette époque l'aiguille a rétrogradé et marché vers l'Est, et tout porte à croire qu'il arrivera un moment où la déclinaison redeviendra nulle.

Variation de l'aiguille d'inclinaison. — L'aiguille d'inclinaison présente, pour chaque point du globe, pendant un certain nombre d'années, des variations progressives analogues à celles qu'éprouve l'aiguille de déclinaison; mais elles ne sont observées avec précision que depuis une soixantaine d'années. Le tableau suivant indique les variations de l'angle d'inclinaison observées à Paris.

Années.Inclinaison.Années.Inclinaison.
167175°183167° 40'
179170 52'183567 24
180669 12184167 9'
181468 36185166 35
182068 20185366 28
182568185966 15

Ainsi, l'inclinaison a toujours été en diminuant à Paris, depuis l'époque de l'observation la plus éloignée. Cette diminution a varié d'une année à l'autre. Néanmoins, depuis une vingtaine d'années, on peut l'évaluer annuellement à 5 min. environ.

Variations diurnes. — La B. est encore soumise, pendant Je courant d'une journée, à des variations tantôt brusques et accidentelles, tantôt régulières et continues. Les premières, qui portent le nom de Perturbations, sont, en général, dues à des phénomènes météorologiques, tels que les aurores boréales (voy. ce mot), les tremblements de terre, les éruptions de volcans, les orages, etc. Il arrive souvent que la plupart des aiguilles des principaux observatoires de l'Europe subissent, au même instant, une perturbation parfois considérable, sans qu'il soit possible d'en assigner d'abord la cause. Plus tard on apprend que le même jour, et sensiblement à la même heure, l'un des phénomènes dont nous venons de parler s'est produit sur un point du globe plus ou moins éloigne. La foudre, en particulier, agit sur l'aiguille aimantée au point de renverser subitement ses pôles, de sorte qu'on a vu des navires, trompés par les fausses indications de leur compas de route, s'aventurer en pleine sécurité dans les voies les plus dangereuses.
Les variations diurnes proprement dites présentent une certaine périodicité, une loi de continuité qui est liée d'une manière évidente avec le mouvement du soleil pendant la journée. Ainsi, à Paris, dans les temps calmes, l'aiguille de déclinaison se met en mouvement dès l'aube du jour, et son pôle nord tourne en s'avançant vers l'Ouest. Ce mouvement se continue et atteint son maximum entre midi et deux heures du soir; à partir de ce moment, l'aiguille rétrograde et regagne à peu près sa place vers dix heures du soir. Pendant toute la nuit, elle reste à peu près stationnaire, puis elle recommence le lendemain de la même manière. L'angle de déviation maximum varie avec les saisons : il est en général plus grand en été qu'en hiver. A Paris, l'amplitude moyenne de la variation diurne est de 14 minutes pour les six mois d'avril à septembre; elle n'est plus que de 9 minutes pour les autres mois de l'année. Il y a des jours où elle s'élève a 25 minutes et d'autres où elle ne dépasse pas 5. Le maximum de déviation n'a pas lieu partout à la même heure. L'amplitude des variations diurnes va en décroissant des pôles vers l'équateur où elle est très-faible : il existe même, près de l'équateur, une ligne où elle est nulle.
Le phénomène des variations diurnes de déclinaison s'observe non-seulement à la surface du globe, mais encore dans les entrailles de la terre, dans les caves qui sont complètement à l'abri de la lumière et de la chaleur solaires : il est soumis à la même loi de périodicité. Dans l'hémisphère magnétique austral, la B. est également soumise aux mêmes lois : seulement les mouvements ont lieu en sens inverse, c.-à-d, que le pôle nord marche vers l'Est, alors que, dans notre hémisphère, le même pôle se dirige vers l'Ouest, et inversement. L'aiguille d'inclinaison éprouve des variations analogues mais moins prononcées. La découverte du phénomène des variations diurnes est due à Graham, il a principalement été étudié en France par Jacques-Domin. Cassini.

B. des variations. — L'appareil qui sert à déterminer l'existence et l'amplitude des oscillations diurnes de l'aiguille se nomme B. des variations. Dans cet instrument, le barreau aimanté est suspendu, par l'intermédiaire d'un anneau de cuivre, à un système de fils en soie, sans torsion, qui s'enroulent sur un petit treuil, lequel permet d'élever ou d'abaisser à volonté l'aiguille. Le fil passe dans une espèce de tige cylindrique en verre qui a pour objet de le mettre a l'abri du contact de l'air, et le barreau est placé dans une cage fermée par des plaques de verre qui portent à leurs extrémités, sur une petite lame d'ivoire, des divisions micrométriques. On lit l'excursion des extrémités de l'aiguille au moyen de deux microscopes qui suivent les mouvements de cette aiguille. Cet appareil est d'une extrême sensibilité.

Histoire. — Au dire de certains historiens, la B. aurait été introduite de Chine en Europe par le vénitien Marco Polo, qui parcourut l'Asie centrale au XIIIè siècle. D'autres font honneur de l'invention de cet instrument à l'italien Flavio Gioja, né à Amalfi vers la fin du XIIIè siècle. Mais aucune de ces opinions n'est exacte, attendu qu'il est question de l'usage de l'aiguille aimantée dans des écrits bien antérieurs au temps où florissaient Marco Polo et Flavio Gioja. — La B. est d'origine chinoise. Klaproth a établi que, 1200 ans av. J.-C, les Chinois connaissaient non-seulement la vertu de la pierre d'aimant d'attirer le fer, mais aussi celle d'affecter constamment la direction polaire lorsqu'on la suspendait de manière à se mouvoir dans un plan horizontal. Mais à quelle époque eut-on l'idée de substituer une aiguille aimantée à la pierre d'aimant dans les observations d'orientation ? C'est ce que le savant sinologue n'a pu découvrir. Toutefois il a montré que vers l'an 120 de notre ère, cette substitution était un fait accompli, et même que les marins chinois en faisaient usage, dès le milieu du IIIè siècle, dans leurs navigations maritimes. Dans les VIIè et VIIIè siècles, ceux-ci, grâce à la B., étendirent leurs courses jusqu'à Ceylan, à la côte de Malabar, aux bouches de l'Indus et à celles de l'Euphrate même. A la faveur de leurs relations commerciales avec l'Inde, les Arabes apprirent des Chinois l'emploi de l'aiguille aimantée, et ils transmirent leurs connaissances, à cet égard, aux marins de l'Europe méditerranéenne, soit avant, soit pendant les premières croisades, sans qu'on puisse assigner une époque précise à cette transmission. Le plus ancien témoignage de l'usage de la B. en Europe, se trouve dans un poème français (la Bible), écrit vers 1190, par Guyot de Provins.

Voici le passage en question :
Un art font qui mentir ne puet,Et li festu la tient desus.
Par la vertu de la marnière;Puis se tourne la pointe toute
Une pierre laide et brunière,Contre l'estoile.....
Où li fers volontiers se joint,Quant la mer est obscure et brune,
Ont, si esgardent le droit point :Quant ne voit estoile ne lune,
Puis c'une aguile i ont touchiéDont font à l'aguile alumer,
Et en un festu l'ont couchié,Puis n'out-ils garde d'esgarer;
En l'eue la mettent sans plus;Contre l'estoile va la pointe.

Il en est ensuite fait mention dans un ouvrage latin de Jacques de Vitry (1220), prêtre d'Argenteuil, qui avait gagné la mitre pendant la quatrième croisade.
Dans ces temps reculés, la construction de la B. était d'une simplicité extrême. On enfermait l'aiguille aimantée dans une fiole à demi remplie d'eau, et on la faisait flotter au moyen de deux fétus. C'est du reste celle que décrit Guyot de Provins. Cette B. aquatique reçut le nom de Calamite, du fétu de paille ou de roseau qui soutenait l'aiguille. Maintenant, à qui vint l'idée de supprimer le flacon et les fétus, et de suspendre l'aiguille sur un pivot? C'est ici que les Italiens nomment Gioja, mais sans produire do preuves à l'appui. Vraisemblablement, cette lacune, dans l'histoire d'une découverte aussi importante, ne sera jamais comblée d'une manière satisfaisante. — Voy. les articles AIMANT, MAGNETISME, ELECTRO-MAGNETISME.